Le retour sur les vélos est toujours dur après une grande pause, et les 25 kilomètres qui séparent Istanbul de Bursa (sans compter le ferry) font regretter la consommation excessive de cigarettes à Istanbul. Par flemme c’est le tram qui terminera le trajet à notre place. On trouve très bon accueil au Saray Oteli et pour pas cher. Le centre de la ville est un immense bazar à l’architecture très diversifiée, parfois très moderne, parfois Ottoman. Et chaque type de biens a son espace, dominé par les joailleries qui elles brillent partout. On trouve des grands marchés aux légumes, viandes, tissus et bibelots en tout genre, aux prix beaucoup plus accessibles qu’à Istanbul.
On repart le lendemain, cette fois décidé à réduire nos dépenses pour la semaine à venir : camping sauvage et on se fait offrir les thés!
Le deuxième jour, après un bivouac en hauteur d’un grand lac, on attire notre attention sur les dangers de la faune environnante : loups et ours y seraient légion. On essaye de relativiser mais on ne pourra en vouloir qu’à nous même de se faire réveiller par un ours, la patte dans une sacoche. On décide de se rapprocher des villages, et indiquer notre intention d’y monter notre campement. C’est comme ça qu’on sera généreusement accueilli à manger chez l’Imam puis à dormir dans la mosquée de Demirkapi. L’école de Gökçukur nous est ouverte le jour suivant pour y passer la nuit.
Le lendemain matin, nous arrivons à Yağmurlu, village drôlement animé. A peine le temps d’approcher qu’Elif et son père nous proposent de manger avec eux, c’est jour de fête. On célèbre la circoncision d’un enfant du village. L’opération s’est effectuée il y à déjà plusieurs mois, mais le rassemblement s’effectue après cicatrisation complète. Ravis, nous les accompagnons sous l’immense mosquée, dans une grande salle des fêtes. On rajoute une autre utilisation à ce lieu de culte après la prière et l’accueil de voyageurs. On rencontre la grand mère drôlement énergique et la mère d’Elif, chez elles, ou l’on nous accueille pour prendre le thé. Une fois le moment du départ c’est Moustafa qui nous convaincra à passer la nuit dans le village, dans un appartement libre au dessus du café, et assister à la fête du soir. On nous chuchote dans l’oreille qu’il y aura consommation d’alcool, on ne peut pas louper ça. C’est donc après 25 kilomètres, à 14h que nous décrochons les sacoches et rangeons nos vélos. On passera l’après midi à discuter, et boire du thé avec les jeunes du village, qui nous prennent sous leurs ailes. Mehmet nous gagne au bras de fer, nous, on s’entraine surtout les jambes. Vers 9h nous voila en route pour la salle de fêtes à l’entrée du village, on refuse aimablement le tour en moto et on marche. En arrivant, l’ambiance est déjà bonne, la musique est à fond, mais tout le monde ne danse pas encore. On se retire au fond en attendant notre sort. Soudain on nous fait signe, et c’est derrière un tracteur, à quelques mètres de l’entrée de la fête qu’on retrouve tous les doyens du village et ou l’on nous rince au whisky. On passera les heures suivantes à parler politique et à littéralement jeter des billets de banques sur les deux musiciens (clarinette et tambour) pour qu’ils continuent à jouer. Ceux la ont bien du mérite car ils jouaient déjà lorsque l’on est arrivé au village, et quand je m’inquiète de leur état de fatigue on me répond qu’il n’y a pas de problème et qu’ils joueront toute la nuit. Hamza, Furkan et Mehmet nous montreront ensuite comment on danse, et on va dédier la fin de soirée à s’entrainer.
On rentrera à trois sur la moto. Il est 2h du matin et on à faim… Je fais remarquer que la supérette est fermée. « La supérette, c’est moi!! » et Fatih qui ouvre la grille en fer et nous laisse tous renter pour acheter soda et graine de tournesol. Fatih c’est le fils de gérant de la supérette.
On se réveil en comptant par dizaine les clopes que l’on a fumé la veille et on rejoint le groupe pour le petit déjeuner généreusement offert par Mehmet et sa famille. Que des produits de leur ferme, du formage, des légumes, une excellente confiture de prune, et du thé. Après un tour de tracteur on part à reculons, plus parce que l’on doit que parce que l’on veut. Si je m’attarde sur cette expérience c’est parce qu’en les quittant tous, je sais que ce fut l’expérience la plus stimulante de ce voyage. Cet accueil généreux, spontané et sincère m’a rendu tellement heureux, je m’en rappellerai et je vais tout faire pour m’en inspirer.
Les deux jours suivants sont difficiles, nous ne sommes pas en forme. On rencontre des gens super, mais la fatigue ne nous rend pas très loquaces. On arrive à Selçuk plus rapidement que prévu en passant une longue journée sur la selle pour profiter de deux jours de repos à l’hôtel.
4 Responses
Très bon article (palpitant).
Et très bon titre (à nouveau) : à la fois suggestif et énigmatique.
Continuez comme cela (en vous ménageant qd vous le pouvez).
Merci !
Manu
Le titre c’est la porte d’entrée pour les nouveaux lecteurs! Il faut qu’il choque!
merci de continuer à prendre le temps de nous faire partager votre périple, malgré la fatigue qu’on imagine bien, après ces milliers de kms. Mais ça en vaut la peine, et certains moments seront mémorables, je pense à cette journée à Yagmurlu (de mémoire), et cet accueil incroyable de gentillesse. On comprend la remarque “on doit partir, même si on voudrait rester”. C’est le destin des voyageurs, c’est l’appel de la route, et c’est bien comme ça. Bon je le dis assis devant l’ordi, c’est facile de vivre l’aventure par procuration, mais ça vaut la lecture de Bouvier ou Kerouac, alors on en redemande ! Bon vent (le meltem, celui de la mer Egée) !
PS : on a aimé toutes les photos, mention spéciale à celles où vous faites boire vos montures ! Par contre, il manque celle du whisky derrière le tracteur : Allah veut bien fermer les yeux, mais faut quand même pas trop le chercher !
Ah, j’hésite… j’ai un faible pour la leçon de nature et l’air perplexe d’Éliott devant les ébats des tortues qui prennent leur temps (et leur pied) au milieu de la chaussée…